samedi 20 juin 2015

On vous salue, Maria Schneider

Maria Schneider

On vous salue, Maria Schneider


Jacques Morice
Publié le 03/02/2011. Mis à jour le 04/02/2011 à 09h37.


Maria Schneider, en 1973, dans le film de Bertolucci "Le Dernier Tango à Paris”. DR
Marquée à vie par son rôle dans le sulfureux “Dernier Tango à Paris”, de Bertolucci, Maria Schneider est décédée d'un cancer jeudi 3 février. Elle avait 58 ans. Hommage à une comédienne indomptée.
A l’heure où les femmes défilaient en troupes sur l’asphalte, Maria Schneider, elle, rôdait ailleurs, trouvant une manière hardie et solitaire d’être féministe. En faisant un doigt à la bonne morale, sur grand écran. Si le fameux Dernier Tango à Paris (1972) de Bernardo Bertolucci, candidat sérieux au palmarès des films les plus scandaleux des années 70, fit tant de bruit en son temps, c’est surtout parce qu’elle y affichait un aplomb sidérant. Elle n’avait que 19 ans à l’époque. Cheveux noirs en bataille, elle y était d’une beauté insolente, à la fois sauvage et dédaigneuse. Que d’encre a coulé au sujet de ses scènes torrides avec le léonin Marlon Brando dans l’appartement vide près du pont de Bir-Hakeim, de la « motte de beurre » lubrifiante, du rituel SM sur fond de crépuscule orangé... Aujourd’hui, le film a un peu vieilli mais pas elle. Nue ou habillée avec la classe d’une diva de l’underground (chapeau large noir, long manteau, falbalas), sa présence dedans irradie encore comme une première fois. Tout chez elle est érotique. Surtout sa voix, lascive et rauque, teintée d’un léger accent (espagnol ?).



La jeune louve indomptable, fille d’une mannequin et de Daniel Gélin (qui le l’a jamais reconnue), était lancée. Mais pas pour une carrière rectiligne. Elle défraya la chronique, afficha sa bisexualité, se perdit dans les paradis artificiels. Elle ne fit jamais ce qu’on attendait d’elle. Et surtout plus de films où elle devait se déshabiller. On l’associe toujours au Dernier Tango alors qu’elle a tourné des films bien meilleurs, dont l’immense Profession reporter (1975) d’Antonioni (voir ci-dessus). En aventurière libre et mutine, Maria Schneider y fait des étincelles. S’il fallait emmener une séquence sur une île déserte, ce serait peut-être celle de son sourire d’été éclatant dans la voiture, avec Jack Nicholson. L’érotisme de Bertolucci a laissé place ici à une sensualité aérienne.

Sa filmographie est un répertoire intime. On y retrouve tous les écorchés vifs, les baroques décadents, les élégiaques. Werner Schroeter (Weisse Reise), Philippe Garrel (Voyage au jardin des morts), Jacques Rivette (Merry-Go-Round) Cyril Collard (Les Nuits fauves)... Garçonne féminine, Maria Schneider laisse le souvenir d’une comédienne un peu fée, un peu sorcière, sœur d’âme de Bulle Ogier et de Juliet Berto. On l’avait encore vu récemment dans La Clef de Guillaume Nicloux ou dansCliente de Josiane Balasko. Elle vient de mourir à 58 ans, des suites d’une longue maladie. On ne lui connait aucune héritière, sinon peut-être, Béatrice Dalle. Comme elle, icône rock adoptée par le cinéma.




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